Le séminaire « La geste technique : parler objets… par les milieux » est associé cette année au séminaire « Une autre façon de raconter » afin de réunir de façon plus interactive et réflexive les productions des artisans, chercheurs et dessinateurs. Chacune des journées sera l’occasion de faire se rencontrer des métiers et savoir-faire originaux sur des enjeux de techniques, d’habitation et de natures ; l’idée est de contribuer par ces échanges d’expériences à une réflexion élargie sur les mises en récits graphiques, photographiques et textuels des sciences humaines.
Ces rencontres font suite aux séminaires que nous menons depuis 2013 (sur les déchets et l’innovation, et sur les écritures du terrain) avec le MUCEM et l’EHESS. Un des objectifs est de faire dialoguer muséologues et spécialistes des cultures matérielles en reliant toutes les dimensions envisageables de l’horizon anthropologique (de l’enquête collecte à sa publication ou à son exposition publique, en passant par toutes des phases de traitements, tris ou descriptions et narrations co-construites avec les acteurs, ou sans, pour un passé lointain).
La notion de geste et plus précisément de celle « geste technique » permet une relecture des principes mêmes de la technologie culturelle qui lie étroitement « matière, objets, processus et connaissances » et ne les sépare que pour mieux les analyser ou les « re-lier » ensuite. Les gestes, qu’ils soient physiologiques et inconscients, ou sémantisés et culturels, permettent en effet d’aborder les actions humaines comme des éléments transversaux infra- ou para-langagiers de la comparaison interculturelle.
Tous les objets, toutes les collections qui entrent au musée correspondent non seulement à des formes et des textures prédéfinies mais aussi à des sommes innombrables de gestes, processus, connaissances – et milieux ; les milieux étant pris dans leurs capacités naturelles, techniques et socio-culturelles. Un des objectifs centraux de ce séminaire sera donc de dessiner progressivement les raisons et les logiques de choix de ces gestes et de renaturer, rehistoriciser et resociologiser les ensembles matériels, qu’ils soient destinés aux publications savantes, aux réserves ou aux expositions, en résumé, de faire parler les objets en croisant leurs différents modes d’existences et en privilégiant les plus aptes à alimenter les dialogues entre recherche, musée et société.
Un autre objectif parallèle sera d’explorer « la geste technique » entendue comme une heuristique originale d’étude de la vie en société (ou en « culture ») et qui diffèrerait d’une approche par les croyances, les idées ou le politique et qui se prête de surcroît à divers types d’enregistrements et mises en récits. Le recueil de ces gestes, systèmes d’objets, savoir-faire et discours pourra donner lieu à des travaux d’étudiants (en anthropologie, architecture, archéologie, art, etc).
Cette année encore nous reviendrons sur les grands programmes théoriques et pratiques d’études de la culture matérielle (en lien notamment avec l’exposition G.-H. Rivière ou avec certains livres sommes sur le sujet) et surtout à faire se rencontrer des expériences éloignées autour de mêmes thèmes.
Ces journées prolongent également la réflexion sur la place du dessin et de la photo dans le travail des sciences humaines. Reprenant le titre du livre inspirant de John Berger et Jean Mohr Une autre façon de raconter (Maspéro, 1981), nous interrogeons et mettons en pratique différentes formes d’éditorialisation associant textes, images, photos, vidéos, sons, à différentes étapes de la chaîne du travail scientifique. Nous continuons à faire le pari que les scientifiques ne doivent pas seulement être des producteurs et pourvoyeurs de connaissances mais qu’ils doivent également employer les nouvelles formes d’expressions – imagées et numériques – dans lesquelles nous évoluons, de concert avec les designers, les photographes, les graphistes et les auteurs de roman graphiques ou de bande dessinées. Un des objectifs est d’explorer les différentes formes de créations et façons d’écrire avec les images (se fondant sur leurs expériences, en fiction, documentaire, science ou art). Comment travailler et fabriquer ensemble ? Au moment de la problématisation ? Ensemble sur le terrain ? Lors de l’enregistrement et de la description ? Dans le cas de démarches appliquées, ou fondamentales ? Ou plus tard, lors de la scénarisation avec des visées de restitution ou de diffusion vers divers lectorats ? Ces questions, aussi compliquées que passionnantes, orienteront nos débats tant du point de vue de la recherche, que de la création ou de la médiation publique.
Coordination scientifique : Frédéric Joulian (EHESS), Florence Sarano (ENSAM), Marie-Charlotte Calafat, Denis Chevallier, Aude Fanlo (MUCEM)
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Programmes de séances
12 novembre 2018
L’architecture et la question animale
Où nous nous interrogerons sur la place spatiale et matérielle que nous faisons aux animaux dans l’espace domestique ou l’espace naturel et comment, sur notre planète aux limites de plus en plus visibles, nous pouvons cohabiter et faire cohabiter toutes les formes de vie qui l’occupent ?
En mêlant architecture, éthologie, anthropologie et dessin, nous décalerons le regard anthropocentré et illustrerons de multiples façons comment « construire » bâtis et récits, avec les animaux.
11h00-17h30, EHESS, La Vieille Charité, salle A, Marseille
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20 décembre 2018
Gestes, paroles et dessins #1
Si la question du corps ou celle de la culture ne cessent d’occuper le devant de la scène médiatique ou scientifique, celle des savoir-faire ou des gestes, ou plus précisément des « techniques du corps », lancée il y a 80 ans par Marcel Mauss et ses successeurs, n’ont su réellement s’imposer face au poids des objets et de leurs représentations. Elles nous semblent toutefois cruciales pour rouvrir le dialogue entre recherche, conservation, exposition et public et donner un sens plus juste et accompli à la « culture » matérielle.
11h00-17h30, Mucem, salle Meltem, Marseille
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21 janvier 2019
Actualités et inactualités de la culture matérielle
A l’occasion de la parution de trois ouvrages importants regroupant diverses recherches collectives et solitaires sur la culture matérielle telle que l’entend l’archéologie (Une histoire des civilisations, Demoule, Garcia & Schnapp, La Découverte, 2018), l’histoire des techniques (Gestes techniques/techniques du geste, Bouillon et al, PUS 2017) ou le réseau de la revue Techniques&Culture (“Matérialiser les désirs”, Dittmar et al. 2018), nous reviendrons sur l’histoire continue et cumulative,… ou agitée et refoulée, des recherches et savoirs en culture matérielle.
11h00-17h30, La Vieille Charité, Marseille
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11 mars 2019
« Fait » maison
Lors de cette journée bipolarisée sur les savoirs constructifs et leur mise en récit, nous explorerons la question des savoirs situés, des matériaux, des gestes, des « actions de peu », confrontée aux enjeux mondialisés des crises écologiques et politiques. Comment l’ethnologue, l’architecte, l’artisan et le dessinateur peuvent-ils agir de concert et offrir de nouvelles matières à recherche-action.
11h00-17h30, La Vieille Charité, salle A, Marseille
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1er avril 2019
Gestes, paroles et dessins #2
Cette dernière journée sera la plus exploratoire de l’année par son mélange original d’écritures variées, participatives, dessinées, situées, vivables, toutes à la recherche de nouvelles médiations par l’entremise de dispositifs low tech et multimodaux. Nous tenterons de redescendre à certains éléments structurels de la communication et à tenter de recomposer ensemble de nouveaux instruments pour la recherche et l’action politique.
11h00-17h30, EHESS, La Vieille Charité, salle de cinéma Le Miroir, Marseille
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Coordination scientifique : Frédéric Joulian (CNE/EHESS), Florence Sarano (ENSAM), Marie-Charlotte Calafat (MUCEM), Denis Chevallier (MUCEM), Aude Fanlo (MUCEM)
3 réponses sur “Une autre façon de raconter… la geste technique (2018-2019)”
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